Connaître la forêt de Fontainebleau c’est bien. Mais avoir la curiosité de découvrir d’autres forêts c’est mieux, afin de mieux cerner l’ensemble des problématiques de cet enjeu majeur : protéger au maximum nos forêts, même au prix de réduire nos soi-disants besoins en bois. En avril j’ai à ce sujet été visité plusieurs forêts privés dans la Sarthe, non loin d’Alençon. Là, il s’agissait de forêt Patrimoine. Ses propriétaires procèdent à de légères coupes, mais conservent l’intégrité d’une forêt. Résultat des chênes et des hêtres magnifiques avec seulement une omniprésence de noisetiers un peu envahissants. Grosse chance le secteur est humide et la repousse de jeunes plants en régénération naturelle s’effectue sans heurts. Ce vendredi, j’étais invité par une des associations de défense de la forêt de Versailles : l’association de sauvegarde des étangs de la Minière. C’est Daniel, un des piliers de l’association qui m’a fait une visite guidée personnelle. Cette forêt morcelée entre Versailles et Guyancourt est écartelée. Comble de l’ironie humaine, on peut supposer qu’à son centre cette forêt a été sacrifiée pour installer le camps militaire de Satory. Daniel m’indique que d’anciens locaux de la gendarmerie vont se transformer en ville. Versailles voudrait y loger ses « pauvres ». Il est prévu 5000 logements, soit des familles comprises entre 2 et 4 personnes ou plus. C’est Center Parcs en géant. Quel avenir pour cette petite forêt qui va voir débouler au moins 10 000 personnes le week-end. Sans compter l’augmentation du trafic automobile autour, la pollution, le bétonnage. Alors c’est mieux que de supprimer des terres agricoles ou de raser un bout de forêt. Mais 10 000 logements là où ce n’était pas prévu ? ! L’association aura sûrement du boulot sur sa planche pour éviter la catastrophe. Sinon, autour des étangs de la Minière, beaucoup de charme du paysage, avec ses coteaux qui descendent vers l’eau, avec essentiellement des chênes et nos fameux châtaigniers si menacés. D’ailleurs on voit beaucoup de traits rouges qui indiquent que beaucoup vont être coupés l’hiver prochain. Trop de chênes à abattre également. Alors que le paysage à certains endroits reflète un beau patrimoine écologique et forestier. Encore trop de coupes. Il faut absolument conserver des peuplements d’âge différents et surtout des arbres âgées. C’est meilleur pour la biodiversité, meilleur pour le stockage de Carbone dans le bois et dans le sol, ce dont on ne parle jamais. Il faut savoir que ces vieux arbres absorbent beaucoup d’eau mais en rejette autant, c’est le phénomène d’évapo-transpiration qui permet de rafraîchir le climat local. Avec des différences de 2 à 3 degrés de différence en forêt et en zone urbaine. Montmorency a payé le prix fort, puisque 47% de son massif était constitué de châtaignier. Tout ou presque a été coupé. Une habitante m’a signalé que déjà la température locale avait grimpé de 2 degrés autour de ce qui reste de la forêt. Fallait il tout couper ? C’est une des questions qui a été posé hier soir au directeur de l’ONF, lors d’une Table ronde organisée par François Apicella et son équipe, à Guyancourt (merci à lui). Celui ci prétend qu’il faut mieux tout couper ou par grande poche, pour éviter de brutaliser le sol trop souvent. Peut-être. Ou Pas. Le plus important serait de savoir pourquoi ces maladies apparaissent ? Le déréglement climatique a bon dos. Les monocultures sont sûrement en cause : voir les dégâts des scolytes qui ravagent d’énormes peuplements d’épicéa en Allemagne et dans l’est de la France. Et même en forêt de Fontainebleau à une moindre échelle. Autrefois (avant 1970) à Fontainebleau on comptait 100 essences d’arbres différentes. Maintenant c’est tout juste une dizaine. Mais le principal s’apparente plutôt à de la mono-culture. Ex, les anciennes coupe rases replantées, en chêne ou pins. Sans place pour les autres essences. Actuellement 60% de pins et 40 % seulement de feuillus mènent à une dérive, notamment d’assèchement du massif. Mais ça on va pas vous le dire officiellement. Là encore le déréglement climatique à bon dos. On aussi pompé l’eau dans et tout autour du massif. On va refaire un puits pour bien arroser le golf chic de Fontainebleau. Est ce indispensable ? Non ! Hier soir, le directeur de l’ONF ouest IDF nous a affirmé haut et fort qu’il n’y aurait pas d’augmentation des coupes entre 17 et 35 % dans les forêts domaniales d’Ile de France. On veut bien le croire. Mais comment vérifier. Les plans d’aménagement des forêts en Ile de France sont tous obsolètes. Certains ont été préparés avant 2009, soit il y a près de quinze ans. Car quand un plan est publié, il a été mis au point quelques années auparavant. Celui de Fontainebleau a été présenté aux associations en 2015, mais préparé par Sylvain Ducroux de l’ONF bien avant. Et surtout la futaie dite irrégulière que l’on annonçait pour Fontainebleau dès 1904 (aménagement Duchaufour) n’a été réellement appliqué que voilà 3 et 4 ans. Et encore sur le plan 2016-2035, on a fini par sortir 5000 hectares qui devaient encore subir le traitement en futaie régulière (donc coupes rases). C’est seulement à cause des pressions du public et des associations que la futaie irrégulière, c’est à dire cloisonnement et interventions dites « plus douce » (mais là encore il faut être très très vigilant, avec l’exemple de la hêtraie, parcelle 673), a été appliquée. Bref, tous les plans d’aménagement doit être revu et corrigé et à la baisse !!!! C’est la demande du collectif des forêts d’Ile-de-France depuis des mois. Et malgré une visite au cabinet des ministres de l’agriculture et de la biodiversité voilà quelques mois, rien n’a changé. Il faudrait se contenter de ce que l’on nous offre ? Soyez heureux, il n’y a plus de coupes rases. Malheureusement le bilan sanitaire de nos forêts entraînent de nouvelles coupes rases qui déstabilisent l’écosystème forestier et assèchent les massifs. On nous affirme haut et fort qu’il faut de la lumière pour que les jeunes chênes poussent. Oui ok. Mais trop de lumière et c’est la cata. Actuellement, des carrés de replantation ont été mis en place en forêt de Fontainebleau. C’est 41 000 plants qui doivent contribuer à l’éventuelle renaissance de notre forêt. Malheureusement, les conditions de replantations sont bien étranges. Replanter 10 chênes dans un carré, sur du sable blanc, en plein soleil s’avère une quasi absence de garantie d’une repousse correcte. Alors comme l’indiquait hier soir l’ONF, on a replanté des chênes pubescents, dont les glands ont été sélectionnés dans des parcelles où ce dernier résiste bien au changement climatique. On a aussi replanté du chêne Tauzin ou chêne noir. Ce dernier est originaire des Pyrénées et du sud ouest. On le reconnaît grâce à la découpe caractéristique de ses feuilles longues. C’est une espèce pionnière qui aime bien les sols acides, secs et sableux et les stations ensoleillés. C’est peut-être lui l’avenir de Fontainebleau. Le chêne Tauzin possède aussi une autre qualité.Il dégage des substances chimiques qui perturbent les parasites du pins. En revanche, ce n’est pas un arbre au bois de production de qualité. Mais ça on s’en fiche. C’est un bel arbre. En revanche, l’ONF a réintroduit dans ses 41 000 plants, 1000 plants de cèdre de l’Atlas. Ce qui fâche bien des associations. Il faut arrêter de dire que l’on enrésine plus artificiellement Fontainebleau, alors que l’on replante des résineux du côté de Samois et des Cèdres, même en petite quantité. Bref, le compte n’y est pas. Et le collectif des forêts d’Ile-de-France va rester très vigilant sur la gestion de l’ONF. C’est pour cela que nous réclamons un organisme de contrôle indépendant pour surveiller sa gestion comptable et sa gestion sylvicole. Et en attendant un moratoire sur les coupes. A suivre…
Pascal Villebeuf
Reporter
Spécialiste de la forêt de Fontainebleau depuis 1984
Administrateur de l’ASABEPI, membre de l’ANVL et du collectif des forêts d’Ile-de-France.
LÉGENDE PHOTOS : VOICI QUELQUES IMAGES DE LA FORÊT DE VERSAILLES : AVEC UN MAGNIFIQUE PAYSAGE EN COTEAUX AU DESSUS DES ÉTANGS DE LA MINIÈRE, UNE COUPE RASE DE FRÊNES ET UN TABLEAU EXTRAIT DU DÉBAT AVEC LES ASSOCIATIONS LOCALES ET L’ONF.
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