ÉPISODE 1
« Travaillez en plein air et d’après nature » ce fût ce qui attira les peintres dit de l’école de Barbizon, en quittant Paris. C’est aussi le credo de Reid. Si vous croisez un peintre au bord de la mare aux Fées, c’est peut-être Reid Masselink, un peintre d’origine américaine. Il perpétue la tradition de l’atelier en plein air, qui fût porté haut notamment par l’école des Peintres de Barbizon, qui figèrent sur leur toile, les paysages si particuliers de la forêt de Fontainebleau, à l’époque où les coupes rases n’avaient pas encore défigurées la majeure partie du massif. A l’époque ou l’enrésinement n’était pas galopant. Cet américain, qui a grandi dans la ville de Holland dans le Michigan (USA) cache son atelier, tout près du château de Bourron-Marlotte, en attendant la construction d’un atelier plus personnel, au cœur de sa maison. Il nous a reçu dans son atelier il y a un an et j’ai fait reposer la pâte. L’instant est venu car après avoir rencontré beaucoup d’artistes originaux qui ont la passion de la forêt de Fontainebleau, j’ai un peu plus de recul sur les émotions artistiques que permet cette nature, même souvent dénaturée. D’ailleurs hasard ou coïncidence, j’ai croisé Reid, voilà deux mois et cette fois-ci, sur le motif, au dessus de Larchant, non loin du fameux Eléphant, mais loin des sentiers envahis. Il peignait des rochers moussus et des arbres de travers. Et l’on discuta des grottes et des gravures anciennes, modernes ou affreuses de certains indélicats. Mais bref, parlons de Reid MASSELINK. C’est presque le remake d’un américain à Paris. « Je suis arrivé de NEW York pour Paris, en 2010. Ma femme est française. Mais rapidement, j’ai décidé de partir ailleurs. Je ne voulais pas élever mes enfants en ville. Moi j’ai grandis à la campagne. Enfant, je voyais des cerfs traverser les rues de ma petite ville. Déjà, à Paris, nous allions régulièrement faire de la Rando à Fontainebleau. Et puis j’avais déjà fait de l’escalade sur les blocs de grès. J’ai quand même exploré d’autres sites, pour déménager. Notamment dans les Yvelines ou près de Chantilly. Mais le choix de Fontainebleau s’est imposé. On a d’abord loué une maison en 2012. Puis nous avons acheté à Bourron Marlotte en 2016. » C’est là où Reid voulait également peindre. « Fontainebleau possède des endroits assez sauvages à proximité. Pas besoin de faire des centaines de kilomètres comme pour aller dans les grands parcs nationaux aux USA. Ce qui m’a séduit ici, c’est une combinaison de formes avec les blocs de grès, ronds ou plutôt carrés et le contraste avec des verticales et des diagonales formées par les arbres. » Mais Fontainebleau était déjà dans les veines de Reid Masselink depuis longtemps. Au moins depuis l’université. « A l’époque j’avais lu un article en histoire de l’art, sur les artistes qui ont participé aux décors du château, comme Le Primatice et puis bien sur on a abordé longuement l’école de Barbizon. »
ÉPISODE 2
JUSTEMENT. L’école de Barbizon a eût une forte influence sur la culture artistique de Reid Masselink. Il cite ainsi un célèbre tableau de Jean Baptiste Camille Corot : Agar dans le désert, une toile exécutée en 1835. « L’étude de cette œuvre d’inspiration biblique a été faite à Fontainebleau, en s’inspirant des déserts de la forêt, encore bien présents à l’époque. C’est ce que l’on retrouve dans les esquisses du peintre sur ce sujet ». Cette œuvre majeur de Corot est visible au MET de New York. Corot est un pilier de la base de la future école de Barbizon. Un précurseur. D’ailleurs en 1834, il présentera son œuvre intitulée Forêt de Fontainebleau, où l’on voit des arbres et une mare avec des Vaches autour. Une œuvre très critiquée par l’académie de peinture et défendue ardemment par Baudelaire. Corot fût un des premiers à fréquenter la forêt de Fontainebleau et à présenter des œuvres d’après nature. Ce qui est sur c’est que les paysages de l’époque ont quasiment disparu. Les déserts d’Apremont ou de Franchard ont été envahis par les pins sylvestres, invasifs et colonisateurs. Et les chênes multicentenaires ne sont plus qu’une poignée et très peu autour de Barbizon. Seules quelques parcelles, type réserve biologique, exemple à la gorge aux Loups permettent de préserver ces paysages. Là aussi, Reid regrette le manque de perspective de certains paysages. CQFD, les pins sylvestres occupent trop largement d’ailleurs. Il est loin le temps des pâturages. Reid est aussi admiratif du suivant, le co-fondateur de l’Ecole de Barbizon, Théodore Rousseau. Pourtant, Reid n’a pas toujours voulu être peintre. « Au départ, j’étais séduit par la biologie, l’histoire des sciences. Mais faire des analyses, être tout le temps sur un ordinateur ne m’a pas convaincu. J’aimais bien aussi la philosophie. Du coup j’ai opté pour une université des arts. »
ÉPISODE 3
Alors quels sont les endroits préférés de Reid Masselink en forêt de Fontainebleau ? Bien évidemment, la mare aux Fées, située tout près du Village de Marlotte. « J’ai beaucoup aimé peindre les Iris qui s’y trouve. Il paraît que c’est un autre artiste qui les a plantés autrefois pour pouvoir en peindre! Et puis peu de gens savent qu’Auguste Renoir a aussi peint la mare aux fées vers 1860. Mais ma préférée c’est la mare aux Pigeons, à Franchard. Le sentier bleu qui passait par là a été dévié. Du coup j’y suis souvent tranquille, sauf les week-ends surchargés du printemps ou de l’été. » Avec ses pinceaux, sa peinture à l’huile, Reid adore capturer les jolies ombres, les reflets de lumière venant frapper le sol ou la Canopée. C’est vraiment stimulant d’être dehors, en fusion avec la nature. J’y croise souvent des sangliers, quelques cervidés. » Mais sa plus grande frayeur, Reid l’a connu dans le Colorado, en allant peindre. « Aux USA, j’avais souvent la visite de la petite faune. Mais une fois, j’ai fait une mini sieste près de mon chevalet. Et puis soudain en ouvrant les yeux, j’ai aperçu une forme noir. J’ai crû que c’était un chien Terre Neuve. Eh bien non, c’était un ourse noir. J’ai fait le mort. Il est venu renifler mon Thermos de thé à la menthe. L’odeur l’a fait fuir ! » Reid Masselink aime peindre les arbres, comme le chêne Bonsaï du rocher Canon, les pins tortueux, les enchevêtrements de la nature. A un moment, Reid Masselink rêvait d’être Albert Bierstadt, un peintre d’origine allemande installé aux USA et qui peignait presque en panorama, les plus beaux paysages de l’ouest Américain. Il faisait partie de l’Hudson River School. Il a peint notamment ce qui deviendra les grands parcs nationaux. Mais pourquoi Reid s’intéresse t-il autant à l’histoire de l’art. Tout simplement prace qu’à New York, il a été pendant dix ans, marchand d’art, spécialiste des peintres Flamands du 17ème siècle.
ÉPISODE 4 ET FIN
MAIS REID MASSELINK va-t-il de sa peinture et qui sont ses acheteurs ? j’expose beaucoup dans les salons régionaux, mais aussi à New York, Londres et Paris. Localement, Reid affirme qu’il vend beaucoup à des américains qui habitent la région : Insead, Corinne. Ces acheteurs veulent entre guillemets faire rentrer la nature dans leur maison. Souvent, les américains recherchent la sensation de la nature vierge, des grands espaces sauvages. » Et Reid de raconter une anecdote intéressante sur New York. « Le créateur de Central Park, connaissait la forêt de Fontainebleau. Il était venu sur place, au 19e me siècle. Et dans un coin de Central Park on trouve des gros blocs de pierre et des chênes. On se croirait à Barbizon, à l’époque. » Pour Reid, l’état d’esprit des Américains serait différent de celui des Français. En France, on veut souvent maîtriser la nature. Trop de chemins, de sentiers balisés, de panneaux, je n’aime pas trop ça. Mais bon j’ai la chance d’être à proximité de beaux paysages, c’est déjà ça. » Mais Reid Masselink va peut-être se lasser de Fontainebleau. « Je veux faire évoluer mon travail. Après dix années de travail ici, je souhaite aller peindre les paysages des Alpes !!! »
A SUIVRE
Pascal Villebeuf
Reporter
Président de l’association sauvez la forêt de Fontainebleau
Comments