LETTRE OUVERTURE AUX RANDONNEURS, SCIENTIFIQUES, NATURALISTES, ÉLUS ET AUTRES DÉCIDEURS
Les historiques sentiers bleus de la forêt de Fontainebleau vont-ils être sacrifiés sur l’autel du VTT et de la consommation d’espace vert ? C’est probable et ce serait sûrement l’une des fautes inacceptable dans la gestion d’une forêt que l’on dit unique au monde mais qui devient de plus en plus banalisée, bafouée, sacrifiée, vandalisée!!! Que dirait Victor Hugo qui disait : « entre toute, la forêt de Fontainebleau est un Monument ! » Et Georges Sand qui affirmait : « Il s’agit d’approuver tout l’effort tenté pour la conservation de ce monument naturel. Le dépecer, le vendre, c’est l’anéantir et je n’hésite pas à jurer que c’est là un sacrilège. » Et l’on n’évoquera pas les peintres de Barbizon, créateurs des Réserves Artistiques, pour conserver l’esthétique de la Nature. Premières graines des futurs parcs nationaux. Dont l’héritage, les réserves biologiques, unique au monde, sont elles aussi menacées par la traversée délictueuse des vélos dits tout terrain. N’oublions pas que l’on nous a vendu : le classement en Forêt de Protection, La Réserve de Biosphère,les zones Natura 2000 et bientôt Graal suprême, un classement UNESCO!!!! Alors vous vous dites avec tous ,ces classements, la forêt est bien protégée ? Non. Et puis en 2011, on n’oubliera pas que l’Office des Forêts a créé le Label de « Forêt d’exception » Et devinez quelle fût la première forêt de France à en bénéficier ? Fontainebleau. Un hasard bien sur. Sur le site de l’ONF, on met en avant la « protection de l’environnement et la valorisation des paysages ». Et dans un paragraphe plus loin, l’ONF évoque le futur classement UNESCO en affirmant : « le contrat forêt d’exception permettra de conforter les critères d’inscription au classement de l’UNESCO : l’intégrité, l’authenticité et la gestion de ce bien, conformément aux attentes cède ce label international (UNESCO) ». Sauf que dans la réalité il en est tout autrement. Des déchets qui pleuvent de partout, prostitution, rochers dégradés par une sur utilisation de la magnésie dans la pratique de l’escalade, tags, dégradations des gravures anciennes dans des abris de grès, vandalisme (dont les arbres massacrés à la hache dernièrement), bivouacs non autorisés avec des feux un peu partout, même en hiver, invasion des plantes exotiques partout, baisse de la biodiversité, etc. Et l’on ne parle pas des coupes de bois jugées encore abusives par de nombreux collectifs de riverains. C’est une forêt d’exception donc.
Avant de vous expliquer pourquoi ce serait un casus belli pour les protecteurs de la Nature, d’ouvrir les sentiers bleus au nom d’un sacro sainte liberté ou sur l’autel du pourquoi pas ou sur l’air : « de la forêt est à tout le monde« , il suffit de consulter le très sérieux document édité par l’ONF et qui d’après ses gestionnaires fait office de loi ou de réglement intangible. Il s’agit du Plan d’aménagement des forêts domaniales de Fontainebleau et des Trois Pignons 2016-2035. À la page 125, un paragraphe détaille ce qui est prévu pour les VTT. « La pratique du VTT pose question en raison du grand nombre de participants, d’une vitesse pas toujours conciliable avec les autres usages, et de dommages localement significatifs au milieu naturel et aux sentiers (NDLR : ce texte a été rédigé en 2015 et les dégradations étaient encore limitées à certains secteurs). « Pour maîtriser les impacts de la pratique du VTT, la solution semble devoir résider dans l’identification et le balisage d’itinéraires plus spécialement orientés vers ce sport. La posture visant à le contenir sévèrement ou à feindre de l’ignorer n’a pas porté ses fruits ! » Bizarre, selon les guides, le massif rassemble 1200 à 1500 kms de sentiers, dont 250-300 kms de sentiers bleus historiques, dessinés par les sylvains Dénecourt et COLLINET. Rappelons que ces sentiers sont uniques au monde, aménagés pour montrer aux promeneurs, les beautés des chaos rocheux et ses blocs de grès aux formes étranges. Des sentiers très étroits et le plus souvent des pentes où l’érosion devient galopante depuis les années 90. Bon disons que jusqu’à présent, il reste 1000 kms pour se défouler. Et maintenant, un petit groupe de vététistes a obtenu la mise en place de 4 parcours VTT Trail. Résultat : les 4 secteurs concernés sont maintenant truffés, hors piste principale, de dizaines de ce qu’on appelle des « single Tracks », des sillons plus ou moins profonds qui abîment le paysage et la biodiversité. Sans compter le dérangement aux animaux ! Mais quelle importance non? ET SUR LE DOCUMENT D’AMÉNAGEMENT, Sylvain Ducroux, le rédacteur de l’époque continue la démonstration : « de fait, les pratiquants de ce sport emploient par commodité les seuls sentiers balisés et entretenus, bien que présentant un profil long et chahuté. Il s’agit en l’état de sentiers initialement dévolus aux piétons, ce qui génère des conflits d’usage. Il est nécessaire d’empêcher l’utilisation par les vététistes des sentiers pédestres dont l’usage pose un problème de coexistence avec les autres usagers ou de dégradation de l’environnement. La création d’une offre d’itinéraires permettra à ce sport populaire de trouver sa place dans ce vaste massif forestier. A cette fin l’ONF établira une carte des sentiers incluant notamment les sentiers bleus où les cycles sont strictement interdits. Une étude d’impact préalable sera réalisée et une concertation avec tous les acteurs. Une carte des sentiers VTT pourra être mise à jour entre 2 à 5 ans. » Dont acte. TOUT SEMBLAIT CLAIR!! AUCUNE étude d’impact n’a été réalisée, sauf erreur. C’est maintenant qu’il faudrait la lancer. Si c’est nécessaire des centaines de sentiers balisés vélos peuvent être créés, hors sentiers bleus. Il en existe déjà pour les familles. MAIS de toute façon, Il suffit d’aller sur internet pour trouver des sites. Certains comme ,Wikiloc, outdooractive, Koroot, visugpx en propose déjà plus d’une centaine, à la carte. Mais non. un groupe de vététistes (qui prétend que les randonneurs et les Amis de la Forêts constituent un groupe de pression anti vtt) a revendiqué une « carte blanche » pour le VTT à Fontainebleau, au nom « d’une liberté de circulation ». L’ONF répétant comme un mantra : « on fait des sentiers balisés pour les VTT et après on réglementera ». Mais a t-on demandé l’avis des 85 associations de randonneurs du 77 et d’Ile-de-France. Et du Comité Départemental de la Randonnée ? Et de la Fédération Française ? Apparemment non. « Nous n’étions pas au courant de ce projet » affirme le président du CODERANDO, administrateur de la Fédération Française de Randonnée. Depuis, notre collectif est intervenu pour que le Coderando soit associé à ce projet.
Mais comment se décide ce projet VTT pour les sentiers bleus ? En fait, l’ONF a créé une commission VTT au sein d’une commission environnement, dans le cadre du label créé par l’ONF : Forêt d’Exception (FODEX). Et on discute de ce projet en toute discrétion, ou presque. Un chargé de mission a remis récemment une carte provisoire de quelques sentiers interdits. Mais sans le présenter d’abord aux Amis de la Forêt. D’où un fort mécontentement. Forêt d’exception par le nom ? Aux dernières nouvelles, cette dernière n’aurait obtenu l’interdiction aux VTT que de 70 kms de sentiers bleus sur 250!!!!????? Les membres du GIRAFE (groupement d’intervention et de réparation des sentiers bleus des AFF) exprime leur opposition totale à ce projet !!!!! Car c’est eux qui se dévouent pour réparer ce que les autres détruisent sur les sentiers bleus!!!!
Si l’on parle de liberté individuelle, pourquoi les les cavaliers n’ont pas le droit d’emprunter les 250 kms de sentiers bleus ? Et que dire de la généralisation des VTT à transmission électrique, considéré comme des engins à moteur. Et là pour l’instant, ils sont normalement strictement interdits. Mais circulent quand même. Le week-end dernier, avec un groupe d’amis, nous avons parcouru quelques sentiers bleus, notamment ceux situés tout autour des Gorges d’Apremont. Des familles venant de Champs sur Marne, Versailles ou Paris faisaient tranquillement de la randonnée. Questionnées, ces familles, des habituées du massif s’étonnaient : « mais il est évident que la cohabitation est impossible. Cela va conduire à des tensions encore plus grandes à des dégradations, à des accidents» souligne Robert, un retraité. Il y a bien une dame qui nous lance : « ben la forêt est à tout le monde ?! » Oui c’est vrai la forêt est à tout le monde…ou à personne, selon son degré de pleine conscience. Selon si on considère que face à la nature, on a que des droits et aucun devoirs. Le long de la réserve biologique des Hauteurs de la Solle, un peu plus tard, nous rencontrons des dizaines de groupes de randonneurs. L’un d’eux se nomme : En marche vers la forme. Son président Bernard Combet est ébahi. « Des VTT sur les sentiers bleus, c’est incompréhensible ! » Sur le terrain, effectivement des vététistes plutôt sympas nous expliquent que « l’idéal serait de pouvoir accéder à tous les sentiers. Mais nous sommes conscients qu’il y’a sûrement des limites à fixer. » Il y aussi, très souvent, ceux qui n’avertissent même pas de leur présence arrivant derrière les piétons. Ceux qui vous insultent. « Bientôt on pourra plus Chier en forêt ! » nous a même déclaré un usager très poli! Le VTT est une pratique intéressante pour se défouler, pour parcourir plus de kilomètres qu’à pied et ressentir des sensations, faire monter l’adrénaline. Et il ne s’agit pas de faire le procès du phénomène VTT. Ce n’est pas la problématique. Il faut juste réfléchir un peu. Alors que la ville de Fontainebleau se démène pour obtenir un classement Unesco du patrimoine culturel de la forêt, extension du classement du château. Peut-on faire n’importe quoi ? On verrait la tête de la présidente de l’établissement public du palais (classé Unesco) si on autorisait des groupes de VTT à traverser les jardins historiques du château. Elle vient de se plaindre du mauvais comportements des touristes. Et elle annoncé que les dégradations seront verbalisées. Et le patrimoine de la forêt de Fontainebleau ? Mais on me dira : caricature, caricature. Non humour peut-être. Un dernier sondage IFOP indiquait que 54% des français se disaient préoccupés par l’altération de notre environnement. Bon donc 46% s’en foutent ? Il est vrai que d’autres thèmes sont plus porteurs actuellement. En 2014, un responsable d’une association nationale de vététistes clâmait haut et fort, à propos de Fontainebleau : « Il faut se rassembler pour continuer à faire du VTT librement sur des chemins libres. Notre liberté est mise en danger! » Voilà tout l’enjeu des prochaines années. Est ce que nous français pouvons brandir le mot liberté comme un ultime mantra, même au prix de vandaliser la nature, patrimoine naturel. Il est aisé de continuer à dire : après moi le déluge ! Si l’on pouvait pousser le raisonnement on pourrait dire, abîmons tout. Si l’être humain disparaît, la nature reprendra ses droits ? Oh mais là je m’égare non ? Je suis difficile à suivre ? Ah oui le VTT. Il n’est pas question d’un procès contre le VTT. Mais on s’attend généralement à la réaction suivante, sans arguments : Ah ben de toute façon lui il est contre le VTT! A l’inverse, certaines mauvaises langues prétendent que des cadres s’occupant du Fodex, vététistes eux mêmes, veulent favoriser cette quasi carte blanche. Ils s’en défendent. L’été dernier, je me suis entretenu de ce dossier avec Denis Bauchart, ex pdt des AFF, devenu président honoraire. Et voici ce qu’il disait : «On nous a lâché. Il y a trop de tolérance en forêt ! Il n’y a pas de réelle implication dans la répression des pratiques sauvages! » C’est clair! Pourtant, la nouvelle directrice de l’ONF à Fontainebleau a failli dernièrement être bouculée par des vététistes.
Eh bien je vais vous raconter une autre anecdote. Plein d’énergie, dans les années 90, j’organisais des Rando VTT en forêt de Fontainebleau. Oui oui et perversion ultime j’empruntais même des petits bouts de sentiers bleus ! Ouille. Sauf que pour chaque groupe, les consignes étaient strictes. Sur un chemin de moins de 2,50 m si l’on aperçoit un groupe de randonneurs ou un seul marcheur, on s’arrête. On attend le passage des marcheurs et bien sur on lance bonjour avec le sourire en prime. Et puis après, un truc de dingue. Je me suis aperçu que le VTT dans les chemins escarpés et entourés de rochers, ça provoquait des dégâts. Que ce n’était pas respecté les randonneurs et la nature. Alors j’ai arrêté de faire du VTT sur les secteurs patrimoniaux. Mais admettons ! Comme dirait un célèbre humoriste. Admettons que l’on autorise les VTT sur les sentiers bleus. Que va t-il se passer ? Un des argument massue d’un même groupe de Vététistes, je parle toujours de ceux qui brandissent la liberté. Pas ceux qui font du VTT en famille ou qui respectent le patrimoine naturel. L’argument massue est de dire : « il y a des tensions avec les piétons car pour l’instant on nous refuse l’accès des sentiers bleus!!! » Réfléchissons. Si les sentiers bleus, que l’on vante comme la 7ème merveille du monde se partagent entre randonneurs et vététistes, au vu de leur configuration, comment va s’effectuer le croisement. Il n’y aura pas de bousculades, de tensions, de blessés, de chûtes diverses ? Et peut-être même des procès à la clé ? Alors ceux qui brandissent leur liberté comme un dernier souffle auront beau jeu d’envoyer aux orties, les réflexions des randonneurs. Les vététistes laisseront la priorité aux autres ? Nous en sommes persuadés, à travers une charte de courtoisie que personne ou presque ne lira et n’appliquera. Mais à part cette question de cohabitation, la vandalisation programmée des sentiers bleus sera inexorable. Alors oui peut-être certains se proposeront de réparer. Réparer du patrimoine naturel, voilà une belle perspective. Rappelons qu’en 2011 déjà, une somme de 80 000 euros avait été investie pour restaurer le sentier numéro 2, dits des Fontaines.On avait même fait appel à un architecte paysagiste, Alain Freytet pour ce beau projet, en collaboration avec l’ONF et les AFF. Quinze jours après les travaux, le sentier était déjà abîmé par les vététistes. Aujourd’hui, je vous conseille d’y aller faire un tour et vous verrez…
Pour rappel, le massif de Fontainebleau a frôlé le statut de parc national, notamment en 1913, à la demande des Naturalistes, 1960, en 2004, le ministre de l’environnement Yves Cochet annonçait que Fontainebleau serait le second Parc National Périurbain après celui des Calanques. En 2009, le maire de Fontainebleau avait organisé une vaste concertation pour un Parc National. Francis Hallé, célèbre botaniste, en visite à Fontainebleau voilà quelques semaines, s’était étonné de cette situation. Le président des naturalistes (ANVL) a refusé de siéger au FODEX, n’approuvant pas la politique menée.
Ah oui une dernière chose, en 2013, les protecteurs de la nature, se sont opposés à l’organisation d’un championnat annuel de VTT proposé par Amaury Sport Organisation (organisateur du Tour de France et du Paris Dakar), qui devait réunir 10 000 VTT. Espérons que ce forcing pour récupérer les sentiers bleus, ne constitue pas un avant poste pour développer des compétitions de VTT trial. « Nous avons fait échouer ce projet qui aurait été une catastrophe pour le massif » confie Bertrand Dehelly, l’actuel président des AFF.
Ah oui dernière anecdote. On a demandé aux baliseurs des sentiers bleus, de mettre sur une carte, les secteurs où il pourrait y avoir des tensions entre vététistes et randonneurs!!!! « Tous les sentiers bleus doivent être réservés aux randonneurs, c’est incontournable » confie en colère un baliseur.
A NOTER ENCORE UN POINT D’HISTOIRE
Les sentiers Denecourt-Colinet sont les tout premiers sentiers balisés du monde. C’est Claude-François Denecourt, vétéran de l'armée napoléonienne et grand amoureux de la forêt de Fontainebleau, qui commence à les flécher en bleu à partir de 1842. À l’époque, le tourisme est principalement destiné à une clientèle bourgeoise, qui a le temps et les moyens de venir arpenter à pied les fameux sentiers bleus. À la mort de Denecourt, Charles Colinet et sa femme Maria reprennent le flambeau et continuent à créer des sentiers dans la forêt. À partir de 1907, l’association des Amis de la Forêt de Fontainebleau reprend le projet et ajoute un certain nombre de circuits à la liste des sentiers Denecourt-Colinet. C’est cette même association qui maintient aujourd’hui le balisage des sentiers.
Pascal Villebeuf
Reporter
Spécialiste spécialiste de la forêt de Fontainebleau depuis 1984.
Membre du collectif des forêts d’Ile de France.
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